Du plus loin que je me souvienne, j'ai toujours rêvé de cette autre que moi. Celle que j'aurais pu être mais surtout que j'aurais voulu être.
Cette fille-là était tout ce que je n'étais pas. Le physique, le caractère, la personnalité, tout nous opposait. Et pourtant, je mourais d'envie de partager sa vie, ses amours et ses passions.
Pourtant, je sentais en moi le potentiel de lui ressembler mais quelque chose manquait. Un "je ne sais quoi" qui faisait néanmoins toute la différence entre elle et moi.
Quand j'étais enfant, je l'imaginais petite puisque j'étais très grande. Elle avait la chance de se retrouver assise à l'avant du groupe pour la photo de classe et de ne pas passer la dernière lors des épreuves de gym. Mais avec le temps et les complexes, les caractéristiques de ce moi sans être moi se sont étoffées. Non seulement elle n'était pas une asperge mais en plus elle était fine et gracieuse. Ce qui laisse à peine entrevoir le physique charmant que je supportais jusqu'à l'aube de mes quatorze ans. Grande et grosse, autant dire imposante pour une jeune fille.
Je me souviendrai toujours d'une phrase entendue à mon propos au détour d'un couloir d'école: "Juliette, la taille mannequin? Peut-être en longueur mais pas en largueur!"
Les enfants ne sont-ils pas cruels?
Alors, je fantasmais sur cette fille-là. 1m67, 55kg, la mademoiselle tout le monde par excellence. Elle entrait parfaitement dans les normes et dans toutes les cases. Evidemment c'est moins facile d'y entrer quand on fait 1m75 et 85kg...
En gros je rêvais d'être la française moyenne.
